La faculté de médecine

Après le baccalauréat, Jean-Claude Romand fit médecine. Un jour - que son réveil n'ait pas sonné ou qu'il n'ait pas voulu l'entendre - il se lève trop tard pour se rendre à un examen de fin d'année.

Alors qu'il ne lui manquait que quelques points pour être admis, il ne va pas davantage à la session de septembre et proclame pourtant partout qu'il a réussi. C'est son premier gros mensonge. Trois semaines se sont écoulées entre le jour de l'examen et l'annonce de son résultat. Il pouvait encore avouer qu'il avait menti. Bien sûr, c'était difficile pour ce jeune homme sérieux à qui il devait coûter plus que tout de reconnaître une grosse bêtise. Romand ne revient pas sur son mensonge. Ses parents le croient couronné de succès. Il ne dément pas. Etrangement, aucun de ses camarades ne remarquera que son nom est absent des listes d'admission.

Jean-Claude se cloîtra dans son studio. Il y passa le premier trimestre, sans aller à la fac, sans voir personne. Il relit cinquante fois le même journal, mange du cassoulet froid, grossit de vingt kilos. Ce n'est que peu avant Noël (signe que Romand devait être peu populaire) qu'un copain, Luc, le découvre dans ses détritus. Romand commet alors son second mensonge: il annonce à son ami qu'il a un cancer.

Entre 1975 et 1986, Jean-Claude Romand se réinscrivit douze fois en seconde année de médecine. "J'étais moi-même étonné que ce soit possible", dira-t-il. Ce n'est qu'en 1986 lorsqu'une nouvelle chef de service découvre l'étudiant fantôme et lui demande des comptes qu'il disparaît. Jusque-là, il a bluffé ses amis en déployant la même énergie que s'il avait réellement étudié la médecine, se procurant les polycopiés, prêtant ses notes à ses camarades. Au total, il a bouclé un cycle complet d'études, au détail près qu'il ne passait pas les examens. Ces jours-là, il se présentait dans le hall d'entrée de la fac et à la sortie, comptant sur le stress des autres étudiants pour se faire oublier de tous.

Soi-disant reçu au concours de l'internat de Paris, il annonça à ses parents qu'il était nommé chargé de recherche à l'INSERM de Lyon, puis détaché avec le titre de maître de recherche auprès de l'OMS à Genève.

Source : E. Carrère, L'adversaire, ed POL, 2000

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